Tableaux, aquarelles, dessins, gravures, eaux-fortes par F. Picabia

exposition particulière: sat, 06/03: 2pm - 6pm exposition publique: sun 07/03: 2pm - 5.30pm vente: 08/03: 2pm

Nr. of pages: 47.
Holding Institution: online: Gallica - Bibliothèque nationale de France, Paris

Roger-Milès, R: [no title], 4 p. ("Février 1909")

"C’est peut-être parce que depuis plusieurs années, j’ai beaucoup écrit sur Picabia : c’est peut-être parce que je crois bien avoir été le premier à fêter ses débuts, que je suis chargé d’écrire cette préface. Et cependant, qu’il s’agisse d’exposition ou de vente, Picabia n’a plus besoin d’être présenté au public : le public va à lui tout seul, par goût ; il est attiré par l’art sain, robuste, primesautier de ce peintre qui eut la bonne fortune d’être compris dès l’heure où sa carrière allait se manifester, et qui se présente en plein succès à l’âge où la plupart des peintres en sont encore aux tatonnements avec l’opinion publique.

Il est vrai que lorsqu’il eut achevé ses années d’études, ces premières années d’initiation à l’art qui devait le prendre tout entier, Picabia conquit de suite une manière qui eut l’air d’être définitive et qui s’imposa. Certes, à mesure que sa carrière se développera, son talent évoluera : Picabia est trop profondément artiste pour demeurer stationnaire et pour ne pas marcher, par étapes successives, vers le mieux rêvé. Mais il y a chez lui trop de volonté réfléchie, trop d’effort continu, trop de compréhension de ce qu’est la science de son métier, de ce qu’est la technique jamais explorée jusqu’au bout de la manualité du peintre, pour que chacune de ses étapes ne soit pas capable de passionner les amateurs qui s’y arrêteront.

Je ne sais pas ce que Picabia fera dans vingt ans d’ici : il aura pris sans doute une place importante dans l’école des paysagistes français du XXe siècle : Je ne veux en avoir nul souci pour l’instant ; les tableaux qui sont désignés plus loin et qui vont passer aux enchères, suffisent à établir la notoriété de l’artiste ; ils représentent, dans les premières années du succès, une production toute de verve, d’éclat, d’émotion jeune et vibrante devant la nature ; ils témoignent d’une vision juste, particulièrement aiguë, susceptible de ne pas s’engourdir à chercher les effets similaires, mais de noter au contraire l’incessante variété que les saisons et les heures font jouer sur toutes choses.

Après avoir stationné un temps à Moret, dans la piété des souvenirs dont Sisley a immortalisé les bords du Loing, Picabia s’en fut faire quelques excursions dans le Midi, dans ce Midi ensoleillé d’où il rapporta la belle œuvre qu’il envoya au salon et qu’on reverra ici ; puis il alla travailler plusieurs mois à Villeneuve-sur-Yonne, un joli coin, pittoresque, que ses confrères n’ont pas encore envahi et où il pouvait laisser à loisir l’inspiration le guetter, étant certain qu’on ne lui reprocherait pas d’avoir regardé la petite ville avec les yeux d’un autre, puisque nul autre peintre n’avait encore fait de Villeneuve-sur-Yonne une étude lentement et longuement approfondie.

De là cette belle série de tableaux : Promenade à Nemours ; Laveuse à Villeneuve-sur-Yonne ; Passy-les-Tours, effet de nuit ; Eglise de Villeneuve-sur-Yonne, le soir ; Premières feuilles, effet de soleil ; Les bords de l’Yonne ; Le peuplier, effet de soleil à Villeneuve-sur-Yonne ; Les meules, le soir, contre-jour ; le Pont de Villeneuve-sur Yonne ; l’Effet du matin en hiver, au bord de l’Yonne ; L’Effet d’automne à Villeneuve-sur-Yonne ; les Arbres en fleurs, à Villeneuve-sur-Yonne, etc., tout un chapelet de pages exquises, où le peintre donne très habilement la synthèse d’un pays qu’il a compris et qu’il a aimé, car dans ces toiles il y a de la joie de peindre, il y a de la passion, et la passion ne peut se manifester que là où l’artiste ne se sent pas demeurer indifférent.

Mais la vente ne comporte pas que des œuvres rapportées de Villeneuve-sur-Yonne ; on y remarquera encore quantité de peintures savoureuses comme les Bords du Loing, au soleil ; l’Effet de soleil aux Martigues ; les Vieux saules à Moret ; les Oliviers ; le Pont du chemin de fer, à Moret ; les Pins, sur les étangs de Berre ; le Canal à Saint-Mammes ; l’Effet de brouillard à Martigny, et d’autres : du soleil, de la lumière, de l’air de la nature vivante et belle, des œuvres en un mot, avec lesquelles on entre en sympathie dès qu’on les a vues une fois, des œuvres qui vous qui vous enchantent, parce qu’elles ont l’harmonie, la sincérité et la jeunesse.

Il y a trois ans, je me demandais devant les œuvres de Picabia si ce peintre, désormais très maître de son expression manuelle, n’allait pas évoluer vers un certain lyrisme, et l’écrivais :

« Du champ qu’il représentera, du bord de rivière, des arbres tordant leurs bras effeuillés sous le souffle sauvage des tempêtes, ou offrant leurs frondaisons estivales à la tendresse des nids, des petites villes étagées au flanc d’un coteau, du vieux château en ruine qui se dresse sur un plateau, des chaumières qui se blotissent au creux de la vallée, du nuage qui fuit dans le ciel en une chevauchée de lumière, du soleil qui se couche embrasant l’air de sa féerie titanesque, de toutes ces contingences précises, il élèvera notre âme vers une comtemplation généralisée de beauté universelle, et de chaque œuvre qu il aura imprégnée de son souffle, de sa vie, il fera comme un paragraphe dans son épopée de la nature. »

Il me semble que les tableaux qui sont plus loin catalogués nous permettent déjà cette contemplation, et je serais surpris, si les amateurs les plus avertis ne réservaient pas à ces œuvres l’accueil le plus chaleureux, et, j’ajoute, le plus mérité.

L. ROGER-MILÈS"

"Preface"

"Tableaux", cat. no. 1-71

"Dessins", cat. no. 73-87

"Eaux-Fortes", cat. no. 88-96

"Gravures en Couleur", cat. no. 97-99

Other Mediums listed

Hotel Drouot, Salle No. 6
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