Peintures de Paul De Castro, Francis Jourdain, Henri Morisset, Gaston Prunier, Alexandre Urbain. Dessins & eaux-fortes de Bernard Naudin. Bonshommes en bois tourné de Fernand Landolt

10am - 6pm (Dimanches exceptès)

Nr. of pages: 16.
Holding Institution: Bibliothèque des Arts Décoratifs

Vauxcelles, Louis: Quelques Œuvres des Jeunes à la Galerie E. Blot, 6 p.

"Quelques Œuvres de Jeunes

C'était jadis une excellente coutume accréditée chez les gens de lettres que de se réunir, vers la fin de la journée, dans la boutique d'un libraire subtilement lettré, pour y deviser, parmi les bouquins, des camarades et de leurs œuvres. Il y avait aussi des parlottes d'art. C'était le bon vieux temps.

Aujourd'hui, les artistes, comme hélas! les gens de lettres sont à ce point surmenés par la vie trépidante de Paris, qu'il n'ont plus le loïsir de perdre une demi-heure chez leur éditeur, à louer, voire à égratigner leurs confrères.

Eh bien ! je sais pourtant une maison où les bonnes traditions se maintiennent en leur intégrité. C’est la présente galerie, cette maison Blot où, vers six heures du soir, lorsqu’on a bien travaillé, l’on vient griller une cigarette et discuter art sans débiner.
C’est le rendez-vous préféré des artistes, des amateurs des critiques, d'accord avec Eugène Blot, pour
aimer et défendre la peinture dite révolutionnaire, c’est-à-dire celle, huée ét honnie aujourd'hui, qui sera classique demain. Des connaisseurs raffinés, Olivier Sainsère, Frantz Jourdain, Antonin Personnaz, de Camonde, Maurice Leclanché, Viau, Fayet, Delpeuch ; des gens de lettres, Duret, Geffroy, Lecomte, Gaston Devore, des peintres ; Guillaumin, Laprade, Marquet, Ottmann, Morisset, Guérin se retrouvent entre chien et loup, et ce sont des causeries passionnées, où la voix sonore et gouailleuse de Blot éclate en fanfare ..
On se sent là « en confiance ». Ce n'est pas la « Bourse des Valeurs » où des spéculateurs supputent
froidement ce que « font » les Monet, apprécient la hausse des Sisley et traitent une aquarelle comme s'il s’agissait de « consolidated » ou de mines d'Or.
Le bluff, l'artifice, ne sont pas de mise. On aime la peinture pour la qualité du ton, la finesse des valeurs, la justesse des Volumes, la fermeté du dessin souple et vivant, l'équilibre de la composition.

Ce sont de semblables mérites que yous apprécierez dans les toiles exposées actuellement chez Blot.
Après l’incomparable exposition d'un maître disparu, Camille Pissaro, Eugène Blot, fidèle à ses théories, nous convie à suivre les efforts de la jeune génération. Voici cinq peintres, un aquafortiste,
Bernard Naudin, et un tourneur de figurines en bois, Fernand Landolt.

Les coloristes se nomment Morisset, Francis Jourdain,
Paul de Castro, Alexandre Urbain. Leurs mérites sont nettement distincts et se font valoir l'un l'autre. Morisset qui fut et est encore un « intimiste » exquis (le mot est nouveau, la chose ancienne: quels plus fins intimistes y eut-il jamais que Pieter de Hooch et Gérard Terburg ?) est aujourd'hui un de nos séduisants peintres de nus. Ses petites études de plages toutes baignées d’une lumière blonde et câline vous retiendront longuement.

Gaston Prunier est plus âpre, d’une éloquence volontiers tragique ; les thèmes qu’il traite, paysages suburbains étudiés l’hiver, la Seine à Javel, sont robustes et nourris d’un coloris sombre et chaleureux.
Paul de Castro et Alexandre Urbain sont d'excellents analystes de Paris, mais le premier affectionne les types, le second les aspects, de Castro narre, non point en anecdotier, mais en vrai peintre de mœurs, les attitudes, les gestes, et sa notation est nerveuse et vraie: Urbain, amoureux des quartiers vétustes de la Cité, des charmilles du Bois, est un paysagiste émérite.

Près d'eux, Francis Jourdain ; celui-là nous prouve qu'on peut montrer beaucoup d'art en des cadres exigus. De ses deux charmantes séries de tableautins (Hollande et Environs de Paris), j'avoue préférer la seconde, bien qu'il y ait infiniment de talent, d'observation et de vérité dans ses visions de la Zélande, avec les petits moulins et les immenses ciels; mais le sentiment est plus touchant, et la pénétration plus profonde des sites de Carnotin. Francis Jourdain a vécu toute une saison en ce joli pays, il le connaît en artiste, il nous trace d'exquis portraits des maisons, la maison de M. le Maire, et l'humble chaumière du facteur.

L'aquafortiste Bernard Naudin est l'héritier moderniste de Goya et de Callot ; le pittoresque de la guenille lui est familier; « les Afl1igés », miteux, les stropiats, les culs-de-jatte, manchots, truands de la Cour des Miracles et de la « place Maub » sont ses modèles de prédilection. Il sait leur existence palote, leurs peines, leurs joies brèves. Et lorsque Naudin, fou de musique, songe à transposer les émotions que lui suggèrent les gavottes de Rameau, les czardas de Brahms ou la sublime « Neuvième », l’âme des symphonistes passe en lui et lui communique le frisson sacré.

Enfin, Fernand Landolt. Je ne crois pas qu'on puisse être plus spirituellement français que ce jeune
statuaire, d'origine suisse. Le docteur Landolt me permetra de révéler qu’il est « amateur » et non point
professionnel en son art; mais nous sayons depuis longtemps que le préjugé est sottement arbitraire et
qu'un amateur comme Saint-Simon vaut mieux qu'un littérateur de métier comme Ménage. Les petits bonshommes en bois tourné de Landolt valent les plus précieux et délicats Nuremberg.

Sa vitrine n’est pas le moindre attrait d’une exposition curieuse, variée, où il n’est pas un numéro qui soit indifférent, et où j’en compte plusieurs tout à fait délicieux.

Louis VAUXCELLES"

"Preface", Louis Vauxcelles

"PEINTURE", Paul de Castro cat. no. 1-11

"PEINTURE", Francis Jourdain cat. no. 1-30
"HOLLANDE", cat. no. 1-14
"CARNOTIN (Seine-et-Marne)", cat. no. 15-30

"PEINTURE", Henri Morisset cat. no. 1-10

"AQUARELLES", Prunier cat. no. 1-10

"PEINTURE", Alexandre Urbain cat. no. 1-13

"DESSINS ET EAUX-FORTES", Bernard Naudin cat. no. 1-13

"BONSHOMMES EN BOIS TOURNÉ", Fernand Landolt cat. no. 1-21

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