Opening Hours
10am - 6pm, except Sundays.
Catalogue
Exposition Luce. Paris 1907.
Nr. of pages: [PDF page number: 24], printing press: Moderne Imprimerie; 9, Rue Abel-Hovelacque, Paris.
Holding Institution:
online: archive.org
Preface
Geffroy, Gustave: Maximilien Luce, 4 p.
"MAXIMILIEN LUCE
J'ai du plaisir à me retrouver avec Maximilien Luce dans cette salle d'exposition. Tous ceux qui ont suivi l'évolution de l'art depuis une vingtaine d'années se souviennent des débuts de l'artiste, aux temps héroïques du néo-impressionnisme, alors qu'il combattait pour la division des tons avec Georges Seurat, Paul Signac, Charles Angrand, Théo van
Rysselberghe, Cross, Petitjean, auxquels s'était rallié un artiste tel que Camille Pissarro. Celui-ci et Georges Seurat sont morts, mais les vivants d'aujourd'hui sont aussi vivants qu'il y a vingt ans. Paul Signac et Maximilien Luce nous apparaissent ici, à quelques jours de distance, avec leur libre développement d'artistes et leur fidélité à leur bel amour de jeunesse. Tous deux méritent l'hommage, et leurs compagnons avec eux.
Luce n'a pas persisté, dira-t-on, à employer la méthode de la décomposition des couleurs pour représenter les gradations et les dégradations de la lumière sur les formes. Il importe peu, à mon avis, qu'il n'ait pas affirmé sa persistance sur ce point spécial, qui tenait plus de la démonstration que de la création. Ce qui est important, c'est d'avoir gardé, comme l'a fait Maximilien Luce, le goût passionné de la lumière et de la vérité, c'est d'avoir obéi à la nature d'artiste qui est la sienne.
Chez lui, aucun artifice, aucune convention. Il va tout droit son chemin, il regarde, il comprend, - et il exprime. Il a appris à voir avec les maîtres de l'impressionnisme, lesquels se rattachent, eux aussi, à d'autres maîtres, cela est certain. Ainsi, Luce est un artiste traditionnel, mais il y a tradition et tradition, il y a continuation et imitation. Luce n'est pas un imitateur, il est respectueux devant les maîtres qui ont discerné la poésie du réel, mais il échappe à toute discipline d'école, il choisit tout naturellement les aspects de nature, les heures du jour et du soir, les arrangements d'objets, les physionomies qui lui paraissent significatifs des régions qu'il habite, des intimités qui lui plaisent, de l'humanité qu'il observe.
Il y a en lui un peintre puissant et tragique de la douleur, des intérieurs refroidis et délabrés par la misère, des paysages industriels où les usines, activées par le travail de l'homme, vomissent contre le ciel leur feu et leur fumée. Il y a en lui un évocateur du tumulte de Londres et de la force de l'Océan. Mais il y a aussi en lui un sensitif épris du charme de la vie, et qui n'a aucun effort à faire pour devenir un charmeur par son art. C'est surtout ainsi qu'il apparaîtra, à ceux qui ne le connaissent pas encore complètement, par son exposition d'aujourd'hui.
Luce adore le printemps et l'été, la douceur des premiers beaux temps, la somptueuse lourdeur des feuillages de juillet, la paix des crépuscules chaleureux, les nuages légers que l'on voit courir à travers les branches fleuries, l'éther d'un bleu de pierre précieuse, la lumière dernière du jour et de la saison. Il aime les arbres mirés dans l'eau d'une claire rivière, les pâturages d'émeraude, les ponts de pierre dont l'arche est comme une fenêtre ouverte au milieu d'un paysage, les saules au tronc noueux, au feuillage gracile, les villages qui apparaissent si tranquillement par une échancrure d'arbres, les peupliers qui oscillent sous la brise, les vastes plaines, les grandes routes, les ciels où les vols d'oiseaux se dessinent en arabesques mouvantes.
Il adore aussi les fleurs, et le voici qui ajoute cette maîtrise de peintre de fleurs à sa maîtrise de paysagiste. Les chrysanthèmes rouges, jaunes, orangés, blancs, sur des fonds bleus, verts, roses, ses pavots, ses boules de neige, ses anémones, achèvent de révéler un peintre épris de l'opulence des formes et de la richesse de la couleur. Il y a du luxe et de la magnificence de la nature dans ces représentations des fleurs, mystérieuses divinités des champs et des jardins qui nous donnent à deviner sans cesse l'énigme de leur couleur et de leur parfum.
C'est surtout ainsi, paysagiste du beau temps, peintre des fleurs épanouies, que Luce manifeste son art par cette exposition. On n'a pas, toutefois, à regretter ici l'âpreté ancienne. Non seulement le paysagiste de villes nous donne encore à contempler les spectacles vraiment grands et terribles des Usines d'Issy-les-Moulineaux et du Quai de Javel sous la neige. Non seulement le peintre des travaux populaires nous montre le groupe des Batteurs de pieux travaillant sous le soleil, agités par un mouvement cadencé et farouche. Mais encore voici que l'artiste en promenade par la campagne, ou s'arrêtant en quelque auberge, revient aux généralisations des anciens peintres. Il fait, lui aussi, d'un gardeur de porcs, un Enfant prodigue accablé par le sort, las de la vie, immobile parmi les allées et venues grognantes de ses animaux. Il fait d'un homme portant un blessé, éclairé par le coup de lumière d'une lanterne, un Bon Samaritain très humble et très touchant, accomplissant avec simplicité son devoir humain. Un tel artiste, ayant gardé en son esprit et en son cœur le souvenir apitoyé et vengeur de la guerre civile, devait faire un chef d'œuvre de cette évocation d'Une rue de Paris en mai 71, un groupe d'hommes et de femmes étendus sur le pavé, pauvres misérables du siège de Paris enflammés de colère patriotique, ouvriers fédérés jetés à la bataille par leur instinct de justice sociale. Luce les a représentés raidis et verdis par la mort, endormis enfin dans le repos éternel, et la rue déserte, les boutiques fermées, le trottoir et les façades éblouissants de soleil, la grande ombre d'après-midi qui recouvre les morts de son crêpe transparent, ajoutent à la vérité et à la cruauté de la scène immobile et silencieuse.
L'artiste qui a su exprimer cette fin de tragédie, avec cette grandeur de poésie ensoleillée et funèbre, est le même que le tranquille visionnaire de l'Enfant prodigue et du Bon Samaritain, que le peintre délicieux des chrysanthèmes et des anémones, que le paysagiste des bords de la Seine, du village d'Arcy, des prairies de l'Yonne. J'admire la souplesse de son talent, la variété de sa couleur, l'éclat de sa lumière, l'étendue de son œuvre.
GUSTAVE GEFFROY.
3 février 1907"
Note
Note on the back cover of the catalogue reads:
"Le 15 avril les Magasins de MM. Bernheim Jeune experts près de la Cour d'Appel, actuellement 1, rue Scribe, seront transférés ************
25, Boulevard de la Madeleine
en communication directe avec les Galerie et Magasins de la rue Richepanse."